Télescopages, orchestrations ou accumulations de sens, Deborne fait appel à une dynamique de convocations tout autant que d’invocations personnelles. Utilisant les rebuts de notre société de consommation, Deborne assemble des photos découpées provenant de magazines comme autant de « cadavres exquis » surréalistes en alliant fortuitement non plus des mots et des phrases mais des thèmes visuels incorporés avec le brio d’un peintre baroque.

Dépouillées de leur contexte habituel de lecture, ces photos découpées sont associées entre elles en fonction de leur teinte, de leur couleur et de leur luminosité en autant de camaïeux juxtaposés.

L’espace ainsi créé sollicite notre regard dans un premier temps en fonction du moiré chatoyant de ces surfaces ondoyantes et vibratoires. Après ce mouvement d’ensemble, l’œil est happé par telle image précise. Il s’arrête ensuite sur un autre fragment et reconstitue des circuits insolites pour revenir enfin à la globalité des éléments.

Ces compositions seraient, en un sens, des alternatives critiques face au déferlement quotidien de photographies que nous subissons. Commentant et ajoutant sa marque et sa griffe historique à cette matière première en lui conférant une sorte de « plus » artistique, Deborne revendique une nouvelle formulation à travers sa propre sensibilité. Cette tactique permet, paradoxalement, tout autant de redécouvrir l’intensité et l’expression première de certaines de ces images occultées par les codes de la banalisation et de la saturation médiatique, que de noyer et lessiver chacune d’entre elles en une sorte de microcosme nébuleux d’impacts et d’émotions amalgamés. Face à cette avalanche de photos, tantôt stéréotypées ou ordinaires, ailleurs chargées de violence, d’érotisme ou de séductions esthétiques, et en l’absence également de repères, le regardeur-voyeur, ne peut s’empêcher d’établir également ses propres connexions. Acquièrant un nouveau statut, les photos des montages de Deborne retrouvent paradoxalement un nouveau potentiel de fascination que renforce la théâtralité assumée des effets d’ensemble.

René Viau